Nos activités
Le Programme thérapeutique de réhabilitation des victimes de violence organisée
Depuis plus de 30 ans, le Centre Exil développe un programme spécifique d'accompagnement global de la santé pour des personnes exilées et victimes de torture. Grâce à une expérience de plusieurs dizaines de milliers de patients, les modèles d'intervention ont été affinés tout au long des années. Toutes les victimes de violence et de torture qui consultent le Centre ont la possibilité de bénéficier d'une prise en charge psychologique, psycho-corporelle, médicale et sociale intégrale individuelle et/ou en groupe.
Cette prise en charge est estimée à une durée moyenne de trois ans (d'après une étude réalisée en 2004 : Exil, modèle de bonnes pratiques). Nous avons constaté que malgré l'évolution positive rapide de certains de nos patients, la durée minimale du processus thérapeutique est d'environ un an, et qu'après des changements significatifs liés à notre intervention, la plupart de nos patients restent en lien avec l'institution.
Nos années de pratique avec cette population nous amènent à confirmer notre modèle thérapeutique qui met en place une articulation entre l'individu et son contexte. Cette approche systémique inclut, en plus du travail thérapeutique individuel, tant la mise en place d'un réseau autour de nos patients que des activités de groupe. Ces deux types d'intervention, leur articulation et leur pertinence pour chacun de nos patients sont évaluées lors du travail d'équipe interdisciplinaire.
Ainsi, nous agissons sur les deux principales sources de souffrance chez nos patients : d'une part la souffrance liée aux expériences traumatiques, qui demande un travail personnalisé et spécialisé, centré sur l'identité individuelle perturbée suite au traumatisme ; d'autre part, les difficultés liées au trouble de l'identité sociale suite à l'exil, à l'isolement et à la déculturation: l'espace du groupe permet la recréation d'un lien d'appartenance et de se reconstruire dans le nouveau contexte social.
En ce qui concerne le traumatisme lié à la violence subie, nous mettons l'accent sur les véritables enjeux de la situation vécue, en aidant la victime à se repositionner par rapport aux techniques de manipulation psychologique des tortionnaires. Ce programme thérapeutique a pour but d'aider les victimes à se libérer de l'emprise psychologique des tortionnaires :
1. en réalisant que la mise en doute de leurs valeurs personnelles représentait une réponse naturelle face à la situation extrême.
2. en prenant conscience du processus de culpabilisation auquel elles ont été soumises par les bourreaux.
3. en encadrant à nouveau leur vécu de peur, de honte et de souffrance.
Dans ce contexte, le travail psychothérapeutique aide la victime à prendre conscience de ses ressources personnelles et à réaliser comment sa créativité personnelle lui a permis de survivre.
Dans ce cadre global de « normalisation » de l'expérience (où le patient ne se sent plus responsable de ce qu'il a vécu et comprend que sa réaction est tout à fait adaptée à la violence subie), nous appliquons des techniques spécialisées du traitement des conséquences du traumatisme (syndrome post-traumatique), au niveau cognitif, émotionnel et comportemental.
Par ailleurs, un aspect essentiel de notre intervention consiste en la relation elle-même entre le patient et le professionnel. La victime de violence organisée est touchée dans sa confiance de base envers les autres : rétablir un véritable lien avec le professionnel devient le premier grand pas vers la reconstruction personnelle. C'est pourquoi les professionnels d'Exil ont été formés au développement de l'empathie, à l'accueil, au respect du rythme du patient ainsi qu'à la compréhension de sa souffrance.
Comme nous l'avons mentionné plus haut, toutes les démarches thérapeutiques s'adressent toujours à l'individu en relation avec son entourage familial et social.
Sur les 640 patients que nous avons suivis au centre cette année, 343 sont victimes de tortures, dont 97 ont moins de 25 ans, dont 27 ont moins de 15 ans.